Au début des années 60, le chemin de fer français semble avoir pour destin un déclin lent mais inéluctable : bon nombre de décideurs le voient condamné par la généralisation de l'automobile individuelle, et l'essor du trafic aérien, et les fermetures de lignes secondaires battent leur plein. Le concept d'aérotrain promet de révolutionner les liaisons à moyenne distance et constitue lui aussi une grave menace.
Cependant, la SNCF espère encore en un possible renouveau : ne détient-elle pas le record du monde de vitesse, avec 331 km/h en 1955 ? Au même moment, à l'autre bout du monde le Japon décide de construire un réseau entièrement nouveau, appelé "Shinkansen" pour y faire circuler des trains à 210 km/h reliant les principales métropoles. Il est donc réaliste d'utiliser le rail pour circuler à des grandes vitesses (supérieures à 160 km/h).
Après des essais à grandes vitesses de locatives électriques modifiées, la SNCF décide en 1967 de passer à une étape supérieure : le train "Le Capitole" Paris - Toulouse roule à 200 km/h, tandis qu'un premier prototype de turbotrain est construit (Turbine à Gaz Spéciale). Très rapidement, ces essais sont fructueux et débouchent sur la commande de rames destinées à la liaison Paris- Caen - Cherbourg (rames ETG) en 1970, puis de rames plus évoluées pour les liaisons transversales du réseau, jusqu'alors délaissées (rames RTG). Très modernes pour leur époque, ces turbotrains permettent d'augmenter la fréquentation de ces liaisons. Un prototype de turbotrain à grande vitesse (TGV 001) est même construit en 1972, et atteint le record de 318 km/h. Les pays étrangers, dont Etats Unis, sont intéressés par cette technique et achètent des rames.
Le choc pétrolier de 1973 vient brusquement anéantir cet engouement : les turbines à gaz consommant beaucoup (kérosène souvent mélangé avec du gasoil), les coûts d'exploitation deviennent bien trop élevés. Des programmes d'électrification des grandes lignes non encore équipées ayant lieu rapidement, plus aucun turbotrain ou locomotive Diesel ne seront commandés, même le TGV est adapté à la traction électrique.
Il n'y aura donc pas de troisième génération de turbotrains, même si la construction de motrices TGV équipées de turbines à gaz permettant de rouler aussi sur les lignes non électrifiées a pu être évoquée.
A partir de la fin des années 80, les turbotrains, bien que récents, commenceront à disparaître du réseau français. Après 1996, seules quelques rames RTG en piteux état utilisées entre Lyon et Bordeaux continueront à représenter l'espèce. Elles disparaîtront discrètement fin 2004, alors que ce mode de traction est à l'origine du renouveau du chemin de fer depuis la fin du vingtième siècle.